ÉCOLE FRANÇAISE DE SPIRITUALITÉ

ÉCOLE FRANÇAISE DE SPIRITUALITÉ
ÉCOLE FRANÇAISE DE SPIRITUALITÉ

ÉCOLE FRANÇAISE DE SPIRITUALITÉ

Il est devenu courant, depuis la parution du tome III de l’Histoire littéraire du sentiment religieux d’Henri Bremond (1925), de parler d’une «école française de spiritualité», aux limites chronologiques et typologiques assez imprécises, mais située au XVIIe siècle et dans la mouvance du cardinal de Bérulle et de l’Oratoire de France.

Bremond prend le mot «école» au sens rigoureux, parlant de sa «cohésion parfaite», de son «unanimité». Il voit en Pierre de Bérulle le fondateur de cette école, «fidèle aux principes essentiels de l’humanisme dévot» (autre catégorie créée par Bremond pour désigner la spiritualité de François de Sales), mais novateur toutefois dans l’adaptation Bremond distingue les principes de la pratique. Au départ de l’école française, il place la «révolution théocentrique», qui remplace dans la vie chrétienne la spiritualité anthropocentrique, déjà réformée, mais non abolie par l’humanisme dévot. Ce théocentrisme s’est précisé chez Bérulle en un christocentrisme éminent: la spiritualité bérullienne est une spiritualité de l’adoration, par la contemplation du Christ dans chacun des «états» (Bérulle emploie aussi le mot «dispositions») de son humanité. Simplifiant ainsi l’ascèse traditionnelle, mais réagissant contre les tendances de l’école abstraite (qui repoussait les images comme obscurcissant l’accès à l’essence divine), Bérulle propose au fidèle l’«anatomie» des mystères de la vie du Christ, où Jésus est présenté comme l’«accomplissement de notre être», son «principe de subsistance». Dans la pratique, cette spiritualité conduit à une adoration lyrique dans l’élévation, afin d’atteindre un état d’«adhérence à Jésus-Christ». Alors que nulle ascèse n’a prise sur le fond de l’âme et ne peut donc fixer le fidèle dans un état quelconque, le bérullisme tend tout entier à établir le fidèle dans des états, selon une perspective mystique. À partir de ces traits caractéristiques, Bremond identifie comme membres de l’école française presque tous les spirituels français du XVIIe siècle; toutes les dévotions catholiques de l’époque lui paraissent procéder de la mise en application des principes bérulliens. Sans distinction de familles religieuses ou d’états de vie, la grande foule des mystiques étudiés dans l’Histoire littéraire (à l’exception de Saint-Cyran, vivement décrié) semble appartenir à l’école. Jésuites, dominicains, capucins et dévotes viennent rejoindre les oratoriens, les sulpiciens, les eudistes et les montfortains pour grossir les rangs.

Mais cette définition très large de l’école française a été très vite contestée, en premier lieu par les Jésuites, dès 1925. De fait, Bremond a dû convenir que les caractères spécifiques de l’école française apparaissent avant Bérulle. On sait aujourd’hui le rôle central que, par exemple, Benoît de Canfeld (1563-1610), par sa Règle de perfection , a joué dans la spiritualité française du XVIIe siècle. Par ailleurs, Bremond a sous-estimé l’augustinisme de Bérulle; Saint-Cyran en est largement tributaire. Il est clair, également, que les spirituels français du XVIIe siècle ont en commun un vocabulaire qu’on trouve d’abord dans les traductions (par les chartreux de Paris, au début du siècle) des grands textes mystiques rhéno-flamands et sous la plume de François de Sales; il reste à étudier les définitions différentes qu’ils peuvent donner des mêmes mots. Le parti pris de Bremond pour l’école française l’a certainement amené à durcir les oppositions entre «ascètes» et «mystiques», à aller, par exemple, jusqu’à ne retenir de Port-Royal que la prière de Pascal! Son opposition à la pratique des Exercices spirituels ne lui a pas permis de voir ce que les Jésuites «bérulliens» doivent à la spiritualité ignatienne de leur formation.

Il est certain, cependant, que l’influence profonde de Bérulle et du mouvement spirituel que représente sa grande synthèse christologique et christocentrique a largement dépassé les limites de l’Oratoire de France. En l’absence d’une étude systématique des lexiques spirituels des auteurs, une permanence des thèmes s’impose qui devrait permettre de parler avec plus de justesse d’une école bérullienne, compte tenu du conflit d’interprétation qui, dès la mort du fondateur, s’est ouvert, au sein de l’Oratoire, entre Gibieuf et Condren.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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